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François Truffaut
18 mars 2010

Groupe 2 (Laura et Lucía)

L'AUTOFICTION.

ASPECTS AUTOBIOGRAPHIQUES

CHEZ TRUFFAUT

Chez Truffaut, l’autofiction devient une véritable priorité. On peut la considérer comme une intrusion de la vie ou de la vérité dans la fiction par les différents moyens du cinéma. Elle se manifeste, par exemple, par la présence du metteur en scène lui-même au cours du déroulement de ses films. En plus, Truffaut partage souvent avec ses personnages principaux des traits physiques et de caractère.

Truffaut revendique un cinéma-vérité allant contre et même au-delà du 'cinéma-imaginaire' : un cinéma autobiographique mais aussi, comme on verra, autofictionnel et construit sur un langage cinématographique imprégné à son tour de vécu symbolique.

Pour illustrer ces aspects autobiographiques dont on parle, on a choisi quelques extraits ou parties de ses films.

En 1975, dans le carton d'Adèle H., Truffaut lançait un défi au caractère forcément fictionnel des films. Pourtant, affirme le metteur en scène : " L'histoire d'Adèle H. est authentique. Elle met en scène des événements qui ont eu lieu et des personnages qui ont existé. "

Truffaut précise aussi le metteur en scène :

[…] à juste raison que, l'histoire n'évoluant pas selon le code dramatique habituel et présentant des scènes extravagantes, il fallait diriger dès le départ le regard du spectateur dans cette direction, disons pour simplifier: la vérité parfois dépasse la fiction. (Truffaut 1988: 484 ; C'est nous qui soulignons)

Truffaut revendique ainsi un cinéma-vérité allant contre et même au-delà du 'cinéma-imaginaire' : un cinéma autobiographique mais aussi, comme on verra, autofictionnel et construit sur un langage cinématographique imprégné à son tour de vécu symbolique.

Chez Truffaut, la présence ou plutôt l'insertion de la vie/vérité dans son cinéma devient une véritable priorité. Or, une fois filtré par l'expérience biographique du cinéaste et par certains mécanismes filmiques de narration comme, par exemple, l'extrême attention aux détails conjuguant les scènes entre elles, ce réalisme ou plutôt vérisme se transforme en autofiction; là où la ressemblance entre auteur et personnage central laisse une part importante à la fiction afin de dévoiler encore plus profondément la vérité du Moi.

Dans un tel contexte, le scénario doit alors remplir une mission : " Ne pas dire mais montrer " (Truffaut cité dans Gillain 1991) ; jusqu'à atteindre une sorte d' " hyperréalisme " surtout dans le traitement des gros plans, tout en gardant une impression de réalité très forte. Une Vérité donc qui naît d'une hyperfictionnalisation de la vie par les artifices mêmes du cinéma. On pourrait parler de greffe de la vie dans la fiction.La définition de mot greffe donnée par le Petit Robert nous permettra de mieux autofictionnaliser le dispositif d'insertion qui lui est implicite et qui, dans le cas de Truffaut, implique souvent une dimension, comme on verra, autoréférentielle : 

Pousse d'une plante (œil, branche) que l'on insère dans une autre plante (sujet) pour que celle-ci produise les fruits de la première. (1987 : 889)

La greffe implique aussi la présence du metteur en scène soit directe (insertion) soit réflexe (dédoublement ou plutôt identification) dans les personnages.

L'oeil ou branche correspondant à la présence narcissique du metteur en scène lui-même dans ses films se voit dans:

  • Adèle H. -> déguisement de Truffaut en hussard.
  • L'homme qui aimait les femmes -> pendant les génériques.
  • L'Argent de Poche -> avant le commencement des génériques
  • Les 400 coups (le film le plus autobiographique) -> en tant que figuration discrète, voire tout à fait imperceptible au spectateur pendant toute la scène du rotor.

Truffaut utilise ce procédé d'une façon tout à fait personnelle en esquissant l'importance et la nécessité esthétique liée à une sorte de réalisme subjectif : modalité stylistique confirmant la présence du metteur en scène en tant qu'auteur et manipulateur de la réalité à travers le medium cinématographique. En même temps, étant surtout liée à un projet autofictionnel, cette présence accentue - par l'apport autobiographique que ces œuvres supposent - et diminue par une sorte d'effet signature (style d'où dérive la parfaite mise en scène et la dramatisation continuelle des scènes) l'impression de réel que dégagent normalement les films de Truffaut.
La présence du metteur en scène se transforme donc en insertion autofictionnelle.

C'est comme si Truffaut utilisait le dispositif autobiographique afin de capturer l'essence même des situations, des thèmes et des personnages. Le langage cinématographique lui permet à son tour de retravailler, par les procédés de la répétition et de la variation, ces données jusqu'à ce qu'elles atteignent une sorte de dimension absolue et tout à fait anti-documentaire.

En effet, Truffaut partage souvent avec ses personnages principaux des traits physiques et de caractère. Dans certains cas, les références biographiques sont même directes :

  • dans Antoine et Colette (1962), Antoine Doinel va habiter juste en face de la maison de la fille dont il est tombé amoureux, ainsi que François lui-même l'avait fait avec Liliane Litvin. Ou alors il arrive au metteur en scène de transformer la donnée réelle: Antoine rencontre Colette à un concert tandis que Truffaut avait connu Liliane à la Cinémathèque.

Les soucis du metteur en scène semblent donc être plutôt la pertinence ou la résonance de tel épisode au sein de la narration. Ainsi, les différents aspects de l'existence biographique de Truffaut n'apparaissent-ils pas dans le film comme des éléments faisant partie de la narration. Pourtant, ils en déterminent la structure et les thèmes portants en exprimant une signification qui va au-delà d'une simple valeur subjective.

L'identification du metteur en scène/auteur à ses personnages devient ainsi autofictionnelle.
Ces deux dimensions, celle de l'insertion et celle de l'identification s'entrecroisent et se balancent d'une façon tout à fait intentionnelle dans le cinéma de Truffaut.

Il a déclaré:        " J'ai une grande propension à parler de moi et une très grande répugnance à le faire directement. Pour cette raison, j'ai l'impression d'être plus intime et plus sincère à travers des sujets empruntés [...] qu'à travers les Doinel, où je redoutais constamment l'identification entre Jean-Pierre et moi. "

et aussi:      "Je travaille beaucoup avec du matériel réel, mais il est 20% autobiographique, 20% pris dans les journaux, 20% pris dans la vie des gens que je connais autour de moi, 40% de fiction pure. […] J'aime voir la vérification par la vie. […] Les faits divers troublent parce qu'on y trouve mêlées la fiction et la vie."

Voyons maintenant comment Truffaut " vérifie " la vie, sa vie même, à travers le procédé de l'identification autofictionnelle. En particulier, il s'identifie à ses personnages principaux à travers la ressemblance physique, l'amour pour les femmes, la relation problématique avec la mère et le manque du père, le goût pour la lecture et pour l'écriture.

  • La ressemblance physique. il faut remarquer que Truffaut avait bien l'habitude de " se refléter " sur les personnages de ses films. La glace ou la fenêtre, omniprésentes ont certainement aussi une valeur symbolique qui va dans le sens du dédoublement et de l'identification de l'auteur à son personnage et d'un personnage à un autre. Le cas de la ressemblance d'Antoine Doinel (Jean-Pierre Léaud) du cycle homonyme avec l'enfant François, figure parmi les plus célébrés. Mais ce n'est pas un cas isolé, puisque l'œuvre de Truffaut pullule d'exemples pareils.
  • Il s'agit surtout d'hommes timides et à protéger comme des enfants. En fait, Truffaut n'aimait pas engager pour ses films des acteurs héroïques car la véritable héroïne devait être toujours une femme ou des femmes, à la personnalité forte et bouleversante.

  • L'amour pour les femmes. Truffaut aurait déclaré : "J'ai toujours pensé que les histoires, les récits ne pouvaient se bâtir qu'autour d'une femme car les femmes, c'est également vrai dans la littérature, véhiculent l'intrigue plus naturellement que les hommes. Dès que j'écris un scénario c'est comme cela que les choses se mettent en place : l'action appartient aux femmes. Ce qui est peut-être faux dans l'absolu, mais c'est ainsi que je vois les choses".

  • Il leur confie souvent la primauté des rôles et des interprétations, tout en entretenant, à chaque nouveau film, une sorte de relation " spéciale " avec l'actrice principale. C'était comme si chaque film était une déclaration d'amour à toute nouvelle femme qui apparaît à l'écran.

  • Relation avec sa mère. L'homme/Bertrand/Antoine/Truffaut qui aimait les femmes tirerait son origine d'une fille/femme qui aimait les hommes évoquant, à son tour, la figure de la Mère, dont l'histoire, ébauchée déjà par le petit garçon de Les 400 coups et dévéloppée ensuite par Bertrand Morane, attire l'intérêt des éditeurs parisiens dans L'Homme qui aimait les femmes.
    Il s'agit de " la période la plus lamentable de la jeunesse " (L'Homme qui aimait les femmes) du personnage lorsque, enfant, il était laissé seul plusieurs jours de suite afin que sa mère puisse rejoindre ses amants. Le transfert homme/enfant qui aimait les femmes se fait donc sur la femme/prostituée/mère de l'enfant qui aimait les hommes. En effet, il est intéressant de remarquer la ressemblance et, au niveau de la construction scénique, le parallélisme dans le mouvement - en travelling latéral de droite à gauche - de la putain de Paris marchant vite " afin de créer de l'ambiguïté entre la bourgeoise et la putain " (L'Homme qui aimait les femmes), et la mère de Bertrand lui-même. De même, en ce qui concerne la mère d'Antoine de Les 400 coups, on sent qu'il aurait fallu peu de choses dans sa vie (rencontre d'un maquereau ou d'un escroc) pour qu'elle devienne une putain ou une aventurière.
  • Les caractéristiques de la Mère se répèteront de film en film ; en particulier, on insiste sur le fait que l'enfant n'existait presque pas à ses yeux :

Elle avait l'habitude de se promener à demi nue devant moi, non pour me provoquer évidemment mais plutôt je suppose pour se confirmer à elle-même que je n'existais pas. (L'Homme qui aimait les femmes)

Pareillement, dans Les 400 coups, la mère parle souvent de l'enfant avec le père comme s'il n'était pas là. Antoine existe si peu pour sa mère qu'elle traversera facilement l'appartement en culotte et soutien-gorge en sa présence.

  • Le goût pour la lecture. Le livre ou, plutôt, la lecture du livre est très souvent présente au cours des films de Truffaut; elle peut être effectuée soit par les personnages eux-mêmes soit camouflée sous l'apparence d'un récit.
  • Dans L'Homme qui aimait les femmes et comme le souligne Truffaut lui-même il y a une compétition entre l'amour et le livre, une sorte d'antagonisme entre les relations que Bertrand entretient avec les femmes et celles avec les livres. Et, symboliquement, c'est justement par la structure du livre qui reproduit, en abîme, la structure du film, que la greffe du metteur en scène ou plutôt de sa mise en scène, sur le sujet se transforme ou se déforme aussi bien dans le contenu que dans la forme du récit/tournage.

    En conclusion, le cinéma de Truffaut brouille intentionnellement les limites entre fiction et réalité. En particulier, la notion de vérité est complètement bouleversée par l'écriture/littérature (L'Homme qui aimait les femmes), par le récit (au magnétophone) ou l'écrit (par la machine à écrire) de l'image (Une Belle fille comme moi), mais surtout par un cinéma pseudo-vérité où la distinction d'avec la fiction n'a plus de raison d'exister. Ce cinéma n'est qu'un medium qui à travers le guide du metteur en scène lui-même s'insérant soit directement (caméo du réalisateur) soit par une identification toujours partielle voire incomplète aux personnages, crée des situations autobiographiques mais tout à fait artificielles et, donc, tout à fait indépendantes de la vraie vie.

    Enfin, ce " Je est un autre " de réminiscence rimbaldienne mais exploité par la critique pour signaler les ruses du récit autobiographique (Lejeune 1980), peut se traduire dans le cas de Truffaut en un Je qui devient autre en construisant son propre système. Ce système/monde " à la Truffaut " donne lieu à un cinéma qui pour le cinéaste devient le phantasme de la vie, de sa vie même. En particulier, son film sans doute le plus réussi, La Nuit Américaine (1972) met très bien en relief le rapport Truffaut/Cinéma résumé par Toubiana de la façon suivante:

    "Pour Truffaut, le cinéma c'était la vie même. Il fallait vivre dans le cinéma et pas dans la vie. Il fallait se protéger, s'abriter dans le cinéma et aimer les femmes dans le cinéma. Il a aimé beaucoup de femmes dans le cinéma parce que c'était plus important que la vie. C'est comme une espèce de rêve que de tourner un film. Au fond c'était sa vraie vie à lui."

    Voici deux vidéos. La première est une interview où Truffaut parle de son cinéma. (Cliquez ici)

    La seconde est un recueil (en espagnol) de quelques citations de Truffaut. (Cliquez ici)


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